• LA MALADIE DE FANCONI

    Elle est une des formes les plus fréquentes d’aplasie médullaire génétique ; les manifestations de la maladie sont très variables d’une personne à l’autre ainsi que son évolution.

    Les manifestations cliniques

    Les principaux signes cliniques évoquant l’anémie de Fanconi sont :
    -une petite taille (retard staturo-pondéral présent à la naissance et presque constant),
    -une dysmorphie faciale caractéristique (aspect triangulaire du visage avec macrognathie, ensellure nasale marquée, microphtalmie avec pseudo hypertélorisme, et traits fins ; microcéphalie dans 30 à 40% des cas),
    -des signes cutanés (taches pigmentées dites « café-au-lait », taches achromiques et mélanodermie s’accentuant avec l’âge, siégeant préférentiellement au tronc et au cou),
    -des anomalies des pouces (50% des cas),
    -une chute du nombre des différents types de cellules sanguines à savoir les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes (« pancytopénie ») d’apparition secondaire s’aggravant avec l’âge.
    Des malformations, en particuliers osseuses et rénales, sont présentes dans 70% des cas. Elles sont très variables.

    Les anomalies hématologiques

    Elles sont pratiquement retrouvées chez tous les patients et apparaissent vers l’âge de 7 ans. Les premiers signes sont des cytopénies (baisse du taux de cellules sanguines) : anémie (baisse des globules rouges), neutropénie (baisse des polynucléaires neutrophiles) ou thrombopénie (baisse des plaquettes).
    Progressivement s’installe une aplasie médullaire sévère à l’origine d’infections répétées et de besoins en transfusions. Plus de 90% des patients ont évolué vers une aplasie avant l’âge de 20 ans.
    Une leucémie aiguë, le plus souvent de type myéloblastique, peut venir compliquer cette évolution.
    Dans de plus rares cas, les anomalies hématologiques peuvent se présenter plus tardivement (entre 30 et 40 ans) soit sous la forme d’une aplasie, soit sous la forme d’une pathologie médullaire tumorale.

    Prédisposition aux cancers

    L’anémie de Fanconi est un syndrome familial de prédisposition aux cancers. Leurs localisations sont très variées mais il s’agit le plus souvent de cancers qui touchent les épithéliums. Le risque de survenue d’un cancer augmente après une greffe de moelle surtout en cas de réaction chronique du greffon contre l’hôte. Plus rarement, le diagnostic de cancers peut précéder le diagnostic de la maladie de Fanconi, chez des patients adultes en situation de mosaïsme génétique.

    Tests diagnostics

    Test de cassures chromosomiques
    Ce test est l’étude du nombre de cassures chromosomiques induites par les agents dits « cassants » l’ADN. Les cellules « Fanconi » présentent une augmentation du nombre de cassures traduisant une hypersensibilité aux alkylants (agents cassants l’ADN) tels que le di-époxybutane (DEB), la caryolysine ou la mitomycine C (MMC).Ce nombre est normal chez les sujets hétérozygotes.
    Le test doit être réalisé dans un laboratoire de référence et est réalisé à partir d’un prélèvement sanguin. C’est le test de référence pour affirmer le diagnostic.
    Un autre test proposé est l’étude du cycle cellulaire par cytométrie de flux (augmentation significative du taux de cellules bloquées en phase G2/M après adjonction d’un alkylant) et est réalisé également à partir d’un prélèvement sanguin.
    Test FancD2
    Ce test est  basé sur une modification biochimique d’une protéine cible de la maladie. Il se fait sur les lymphocytes du sang mais aussi sur les fibroblastes cutanés pour les formes où l’on suspecte un mosaïcisme.
    Seule l’association des différents tests diagnostiques permet à la fois d’affirmer ou d’exclure le diagnostic y compris pour les formes avec mosaïcisme somatique.
    Analyse des mutations génétiques
    Le diagnostic génétique moléculaire de l’anémie de Fanconi n’est réalisé que si les résultats des tests de cassures chromosomiques sont positifs et dans un contexte d’enquête familiale pour identifier les mutations génétiques spécifiques chez les différents membres de la famille.

    La prise en charge

    La prise en charge est pluridisciplinaire.
    Prise en charge hématologique
    Une surveillance annuelle du myélogramme avec caryotype doit être réalisée afin de dépister l’évolution vers des syndromes myélodysplasiques ou des leucémies qui sont le plus souvent précédés par l’apparition d’anomalies des chromosomes de la moelle.
    Les transfusions doivent être parcimonieuses afin de réduire le risque d’allo-immunisation. Des besoins transfusionnels réguliers sont une indication à une greffe de cellules souches hématopoïétiques.

    Allogreffe de cellules souches hématopoïétiques
    La greffe de cellules souches hématopoïétiques est le seul traitement hématologique curatif qui corrige l’insuffisance médullaire et prévient la leucémie mais qui ne corrige pas les autres anomalies ou malformations. Elle doit être réalisée selon des modalités particulières dans cette pathologie et dans un centre expert.
    La transmission est dans 95% des cas autosomique récessive (il faut recevoir 1 gène muté de chacun de ses parents pour être malade). Elle est liée à l’X dans les autres cas.

    Pour en savoir plus, consulter le guide « recommandations pour le diagnostic et le suivi à l’usage des familles et des médecins »

  • LA DYSKERATOSE CONGENITALE

    La dyskératose congénitale a été définie initialement comme l’association d’une insuffisance médullaire à des anomalies cutanées et des phanères : pigmentation réticulée de la peau, leucoplasies (plaques blanches) des muqueuses et anomalies des ongles. Elle est actuellement définie comme une maladie de maintenance des télomères, des structures qui sont situées aux extrémités de nos chromosomes et ont un rôle de stabilisation de ces derniers. Des télomères trop courts favorisent une mort prématurée des cellules et la survenue d’anomalies génétiques propices aux cancers. Dix-sept gènes ont été identifiés comme étant en cause dans la dyskératose congénitale. Dans un peu moins de la moitié des cas désormais, l’atteinte génétique n’est pas identifiée.

    Les signes cliniques

    Les manifestations cliniques sont hétérogènes et de sévérité variables et peuvent rendre le diagnostic difficile. Elles apparaissent au fil de la vie du patient et leur précocité est fonction de la sévérité de l’atteinte génétique.
    La première anomalie observée et la plus fréquente est une baisse des plaquettes mais une aplasie peut être présente dès le diagnostic dans les formes sévères. Certains patients porteurs resteront asymptomatiques ou peu symptomatiques. Une élévation de l’hémoglobine fœtale peut être notée. Le risque évolutif est dominé par la survenue d’une myélodysplasie ou d’une leucémie aiguë myéloïde qui sont parfois révélatrices de la maladie quand la pathologie n’avait pas été identifiée auparavant.
    Les atteintes extra-hématologiques sont variables d’un individu à l’autre, au cours de la vie et inconstantes. Les principales manifestations observées sont les atteintes cutanées (anomalies de la pigmentation), les atteintes des cheveux (cheveux blancs très précocement) et des ongles (dystrophie), et des pathologies hépatiques et pulmonaires. Ces dernières sont parfois révélatrices de la maladie.  Dans 10% des cas environ, une évolution cancéreuse des lésions muqueuses peut être observée (cancers épidermoïdes touchant en premier lieu la cavité orale, la tête et le cou ainsi que le tractus digestif).

    Le diagnostic

    Le diagnostic de certitude repose sur l’identification d’une mutation délétère (entraînant une perte de fonction de la protéine) d’un gène connu pour être responsable de cette pathologie.
    D’autres tests sont utilisés pour dépister la pathologie quand le diagnostic est urgent ou quand les anomalies cliniques font évoquer le diagnostic mais qu’aucune mutation d’un gène connu n’est identifiée. Ces tests réalisés à partir de prélèvement sanguin sont :

    • le caryotype constitutionnel : il peut révéler la présence d’anomalies traduisant l’existence d’une instabilité chromosomique (fréquence accrue avec l’âge),
    • l’étude de la longueur des télomères qui sont raccourcis chez la plupart des patients porteurs,
    • le dosage de l’hémoglobine fœtale qui lorsqu’elle est élevée évoque une aplasie constitutionnelle au sens large.

    La prise en charge thérapeutique

    Il n’existe pas de traitement spécifique. Les traitements proposés sont :

    • Les soins de supports, essentiels dans la prise en charge des patients atteints de dyskératose congénitale afin d’éviter les complications liées aux transfusions itératives : allo-immunisation, surcharge en fer.
    • Une surveillance stomatologique et ORL spécialisée afin de dépister précocement les complications néoplasiques.
    • Le tabagisme, l’exposition à des toxiques pulmonaires ou hépatiques doivent être proscrits chez ces patients.
    • L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (ou allogreffe de moelle) : elle est proposée en cas d’aplasie médullaire et en l’absence de contre-indication. Ce traitement ne prévient pas la survenue de pathologies des autres organes et doit être réalisé selon des modalités particulières et dans un centre expert pour ne pas aggraver les atteintes hépatiques et pulmonaires potentielles.
    • Les androgènes constituent une alternative à la greffe de moelle en l’absence de donneur ou lorsque celle-ci est contre-indiquée. Leur utilisation nécessite une surveillance étroite des effets secondaires potentiels ; l’effet est rarement appréciable avant 2 mois de traitement.

    La transmission génétique est variable (autosomique dominante ou récessive selon le gène incriminé).

  • LE SYNDROME DE SHWACHMAN

    La principale anomalie hématologique retrouvée est une neutropénie.  Une anémie avec élévation de l’HbF et une thrombopénie sont possibles. Chez la moitié des patients, une pancytopénie est observée. L’évolution peut se faire aussi vers une hémopathie maligne myéloïde : syndrome myélodysplasique ou leucémie aigue myéloblastique.
    La recherche des mutations connues du gène SDBS confirme le diagnostic.
    Le traitement repose sur l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques issues de la moelle en cas de pancytopénie.
    Les autres anomalies observées sont digestives (insuffisance pancréatique, anomalies hépatiques parfois transitoires) et osseuses.
    La transmission est autosomique récessive (il faut recevoir 1 gène muté de chacun de ses parents pour être malade)

  • LE MONOMAC SYNDROME /GATA2

    Le diagnostic du syndrome MonoMAC/GATA2 se fait devant un tableau de pancytopénie à moelle pauvre associé à des antécédents personnels ou familiaux évocateurs : présence d’un lymphodème, d’infections fréquentes ou atypiques (mycobactéries atypiques en particuliers, mais aussi virales), de verrues profuses, d’infections chroniques à papillomavirus ou d’une protéinose alvéolaire. Des antécédents familiaux de myélodysplasies ou de leucémie aigüe doivent aussi faire évoquer ce diagnostic.
    Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’une mutation du gène GATA2 dans le sang périphérique et dans un tissu non hématopoïétique. La transmission est autosomique dominante (une mutation d’un seul des 2 exemplaires du gène est suffisante pour être malade). Dans environ ¼ des cas, aucune mutation n’est retrouvée chez les parents.
    Le traitement repose sur la surveillance, les traitements préventifs ou curatifs des infections  et l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques (ou allogreffe de moelle).

  • L’AMEGACARYOCYTOSE CONGENITALE

    L’amégacaryocytose congénitale est une maladie très rare, qui se caractérise par une thrombopénie néonatale le plus souvent symptomatique. L’évolution se fait dans presque tous les cas vers une aplasie médullaire avec pancytopénie. Chez certains patients ayant une forme moins sévère, le diagnostic peut être posé tardivement devant une pancytopénie.
    Le diagnostic d’amégacaryocytose congénitale repose sur l’analyse moléculaire du gène du récepteur de la thrombopoïétine, mpl.
    La transmission est autosomique récessive (il faut recevoir 1 gène muté de chacun de ses parents pour être malade).

  • L’ANEMIE DE BLACKFAN-DIAMOND (ADB)

    Description clinique

    L’anémie est découverte tôt dans la vie, en règle générale avant 2 ans, et un diagnostic après 4 ans est improbable. Le tableau clinique associe une pâleur isolée et une dyspnée responsable de difficultés lors de l’allaitement, sans splénomégalie ni signe d’hémolyse, et sans manifestations en rapport avec une atteinte des autres lignées hématopoïétiques. Plus de la moitié des patients ont un retard de croissance et des malformations associées, les plus fréquentes étant des malformations de la tête (syndrome de Pierre Robin et fente palatine), des malformations des pouces ou des malformations urogénitales. Les grossesses chez les femmes atteintes sont considérées à haut risque.
    Ces patients, enfin, ont un sur-risque de cancers hématologiques mais aussi de cancers solides. Les données épidémiologiques sur la fréquence et le type de ces cancers restent limitées et récentes. L’amélioration de la prise en charge des patients dans l’enfance ayant amélioré nettement leur survie laissant apparaître ce risque après 20 ans le plus souvent.

    Etiologie

    A ce jour, des mutations peuvent être identifiées chez 50 % des patients ; elles siègent sur des gènes codant pour des protéines ribosomiques (RP) de la petite (RPS7, RPS10, RPS17, RPS19, RPS24, RPS 26,  RPS27, RPS28, RPS29), ou de la grande (RPL5, RPL11, RPL25, RPL26, RPL27, RPL35a) sous unité du ribosome. Les mutations les plus fréquentes concernent RPS19 (25 %), RPL5 (9 %) et RPL11 (6,5 %) alors que les autres gènes ne sont impliqués que chez 1 à 3 % des patients. La seule corrélation phénotype/génotype établie à ce jour concerne les malformations ORL qui sont rares chez les patients mutés dans RPS19, et fréquentes chez les patients mutés dans RPL5 et RPL11.

    Méthode(s) diagnostique(s)

    Devant une érythroblastopénie, le diagnostic d’ABD peut être conforté par une histoire familiale (10-20 % des cas), la présence de malformations (40 %) et une élévation du taux d’adénosine déaminase érythrocytaire qui est fréquente bien que non spécifique, et qui peut aussi être élevée chez des apparentés cliniquement asymptomatiques. L’identification d’une mutation clairement pathologique dans un des gènes RP impliqué a aussi une valeur diagnostique.

    Diagnostic(s) différentiel(s)

    Le diagnostic différentiel principal est celui d’une infection chronique à parvovirus B19; d’autres anémies de cause congénitale sont aussi à discuter.

    Diagnostic prénatal

    Le conseil génétique et le diagnostic prénatal sont difficiles compte tenu de l’absence d’une mutation identifiée pour toutes les familles et du caractère variable de la pénétrance clinique. Dans le cas d’une forme familiale le risque de récurrence doit être estimé à 50 %. Un suivi spécifique de la grossesse, comportant en particulier des échographies pour recherche de malformations, est recommandé.

    Conseil génétique

    Le mode de transmission est autosomique dominant (le fait d’être porteur d’un seul allèle malade suffit à développer la maladie, elle se transmet donc d’une génération à la suivante dans 50% des cas) mais la pathologie à une pénétrance variable (tous les individus porteurs de l’allèle malade ne développent pas la maladie).

    Prise en charge et traitement

    Les deux principaux traitements sont les corticoïdes ou les transfusions. Le traitement doit être adapté à chaque patient selon son âge. Les corticoïdes ne doivent pas être utilisés la première année de vie. Le retard de croissance, qui est en partie d’origine génétique, mais aussi secondaire aux complications du traitement (corticoïdes, hémochromatose) doit être pris en charge de façon optimale. La greffe de moelle allogénique doit être discutée chez les patients qui ne répondent pas aux corticoïdes et qui disposent d’un donneur à la fois HLA-identique et non atteint dans leur fratrie.

    Pronostic

    Le pronostic global de l’ABD est bon même si les complications du traitement et le risque de cancer peuvent réduire l’espérance de vie de ces patients. La gravité de la maladie dépend essentiellement de la sensibilité aux corticoïdes. Les patients corticorésistants et dépendants des transfusions ont une qualité de vie clairement altérée.