La greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques appelée couramment « allogreffe de moelle » est l’un des traitements qui peut être proposé aux patients présentant une aplasie médullaire acquise ou génétique.

Les cellules souches hématopoïétiques d’un individu ont la capacité de produire toute la vie les cellules du sang (globules blancs, globules rouges et plaquettes entre autre) et de se renouveler. Ces cellules peuvent être prélevées et greffées au patient (autogreffe) ou à un autre individu (allogreffe).

Ces cellules souches sont localisées dans la moelle osseuse et peuvent être prélevées soit par ponction de la moelle du bassin, soit par recueil dans le sang périphérique après stimulation par des facteurs de croissance. Les cellules souches du fœtus contenues dans le placenta peuvent aussi être utilisées si elles sont prélevées au moment de l’accouchement et congelées.

L’objectif de l’allogreffe de moelle est de remplacer la moelle osseuse défectueuse ou cible d’une attaque du système immunitaire.

Une allogreffe est un traitement complexe cependant si ce dernier est proposé par l’équipe de greffe c’est que le bénéfice attendu de la greffe est supérieur aux risques potentiels.

  • LE DONNEUR DE MOELLE

    Le donneur de moelle doit être compatible pour les gènes du HLA c’est à dire partager les mêmes gènes HLA que le patient. Plus rarement, une greffe peut être envisagée à partir d’un donneur qui n’est pas parfaitement compatible.

    Donneurs de la famille

    Les gènes du HLA sont transmis en bloc : chaque individu reçoit donc un groupe HLA de sa mère et un groupe HLA de son père (on les appelle des haplotypes). Au sein d’une famille, seuls les frères et sœurs peuvent théoriquement être compatibles et un individu a 1 chance sur 4 d’avoir un frère ou une sœur compatible. Les parents et les enfants d’un individu sont par définition à moitié compatible (haplo-identique).

    Exceptionnellement, si les parents sont issus d’une même famille (consanguinité) d’autres membres de la famille peuvent être compatibles.

    Donneurs volontaires

    Les donneurs volontaires sont des adultes qui se sont inscrits sur le fichier de « donneurs volontaires » pour donner gratuitement leur moelle. Quand une greffe de moelle est envisagée et qu’il n’y a pas de donneur familial, une recherche de donneur est réalisée sur le fichier mondial. Les centres où les donneurs identifiés se sont inscrits sont alors contactés pour vérifier que ces donneurs potentiels peuvent toujours donner leur moelle et ne présentent pas de contre-indication au don : cette procédure peut durer de 6 semaines à plusieurs mois.

    Les donneurs volontaires s’ils sont compatibles pour les gènes du HLA partagent moins de gènes communs qu’un donneur familial.térieur, de rechute ou d’évolution de la maladie.

  • LE DON DE MOELLE

    Le don de moelle osseuse (plus exactement de cellules souches hématopoïétiques) nécessite un examen médical approfondi afin de vérifier qu’il n’existe pas de contre-indication à réaliser le don pour le donneur et à la réinjection de sa moelle pour le patient. Des infections virales transmissibles (VIH en particulier) ou un cancer sont une contre-indication au don de moelle.

    Le prélèvement de cellules souches hématopoïétiques peut se faire de 2 manières :

    • par le prélèvement de moelle osseuse par ponction dans l’os du bassin, qui est réalisé au bloc opératoire sous anesthésie générale (durée de 2 à 4 heures),
    • par le prélèvement de cellules souches périphériques après stimulation pendant 4 jours par des facteurs de croissance (injections à domicile par voie sous cutanée), qui est réalisé par cytaphérèse (comme un don de plaquettes) sans anesthésie et sans hospitalisation.

    Le choix du type de greffon (moelle osseuse ou cellules souches périphériques) dépend de la pathologie mais aussi du donneur qui peut refuser l’un ou l’autre des modes de prélèvement.

    Le greffon de moelle ou de cellules souches périphériques est réinjecté le jour même ou le lendemain au patient par voie intraveineuse comme une transfusion classique. Les cellules souches hématopoïétiques ont la capacité de rejoindre seule la moelle.

  • LA CHIMIOTHÉRAPIE QUI PRECEDE LA GREFFE (APPELE LE CONDITIONNEMENT)

    Notre système immunitaire est éduqué pour rejeter tout ce qui est différent de nous. Un donneur s’il est compatible est malgré tout différent du patient (sauf les “vrais” jumeaux). Afin que le système immunitaire du patient ne rejette pas le greffon, il est nécessaire de réaliser un traitement avant la greffe. Ce traitement a pour objectif d’empêcher le système immunitaire du patient de rejeter le greffon : on l’appelle « conditionnement ».

    Le conditionnement est constitué de chimiothérapie (Cyclophosphamide, Fludarabine notamment), d’anticorps détruisant les lymphocytes (sérum anti lymphocytaire ou alemtuzumab, cf infra) et parfois de radiothérapie (qui détruit aussi les lymphocytes). Il existe plusieurs types de conditionnements pour les patients atteints d’aplasie médullaire.

    Le choix du type de conditionnement dépend de la maladie (aplasie idiopathique ou génétique), de l’âge du patient et du type de donneur. Dans certaines maladies (Anémie de Fanconi et Dyskératose congénitale en particulier) ce conditionnement est adapté à la fragilité particulière des tissus du patient.

    La durée du conditionnement varie entre 5 et 7 jours le plus souvent.

    Les principaux effets secondaires du conditionnement sont :

    • la baisse de toutes les cellules du sang (globules rouges, globules blancs, plaquettes) qui peuvent nécessiter des transfusions, des anti-infectieux par voie intraveineuse,
    • la mucite (inflammation de la bouche, de la gorge, des muqueuses du tube digestif) qui peut nécessiter des traitements puissants contre la douleur (morphine) et une alimentation par voie intraveineuse ou par sonde gastrique,
    • les nausées et vomissements qui sont prévenus par de nombreux traitements,
    • la chute des cheveux,
    • une baisse de l’immunité qui expose à des risques d’infections par des bactéries mais aussi des virus et des champignons (qui sont activement surveillées et traitées si besoin),
    • une diminution de la fertilité est observée après certains conditionnements (ce problème sera discuté avec le médecin avant la greffe si cela vous concerne).
  • LA GREFFE

    La greffe est réalisée par voie intraveineuse comme une simple transfusion. Les cellules souches du greffon sont capables de retourner directement dans la moelle du patient.

    Le plus souvent, il n’y a aucune réaction après la greffe ; parfois, de la fièvre, des frissons sont observés.

  • L'HOSPITALISATION ENCADRANT LA GREFFE

    Cette hospitalisation dure de 6 à 8 semaines environ et comporte plusieurs phases : le conditionnement, la greffe, la période d’aplasie et la surveillance une fois sortie d’aplasie.

    Une fois la greffe réalisée, il existe une période d’aplasie de 15 à 25 jours en moyenne pendant laquelle la nouvelle moelle ne produit pas encore les cellules du sang. Pendant cette période le patient est isolé (chambre spéciale) et surveillé intensivement. Des règles d’hygiène strictes sont respectées.

    Une fois que la moelle produit suffisamment de globules blancs (polynucléaires neutrophiles), de globules et de plaquettes, on dit que le patient est sorti d’aplasie. Cela signifie que la greffe a bien pris et permet d’alléger un peu la protection du patient.

    Le système immunitaire n’est cependant pas fonctionnel tout de suite ; en effet, les lymphocytes qui ont un rôle important dans la protection contre les infections (en particulier les virus) ne seront fonctionnels qu’après plusieurs mois. Le nouveau système immunitaire doit réapprendre à fonctionner.

    Les immunosuppresseurs : un traitement immunosuppresseur va être débuté avant la greffe et poursuivi pendant près d’un an après cette dernière. La ciclosporine (Néoral®) est la base de ce traitement. Ce dernier a pour objectif de favoriser la prise du greffon et d’éviter la réaction du greffon contre l’hôte (voir ci-dessous). Ce traitement est très important et doit être bien équilibré afin d’éviter les complications. Il peut être toxique pour le rein et induire une hypertension artérielle en particulier. Afin d’éviter ces effets secondaires, les patients doivent boire beaucoup et des dosages de ce médicament sont réalisés régulièrement.

    La réaction du greffon contre l’hôte (GVH) peut survenir quand le nouveau système immunitaire reconnait le patient comme un peu différent. Ceci peut se traduire par des rougeurs cutanées, des diarrhées, des problèmes de foie et de la fièvre. Si cette réaction est importante, des traitements immunosuppresseurs supplémentaires seront administrés (corticoïdes à forte dose) qui justifie des précautions supplémentaires.

    La période qui suit la sortie d’aplasie est une période de surveillance, de dépistage et de traitements d’éventuelles infections ou d’une réaction du greffon contre l’hôte.

    Une fois tous les traitements équilibrés (anti-infectieux, immunosuppresseurs,  etc…) et d’éventuelles complications traitées (infections et GVH en particulier), le patient peut sortir de l’hôpital. Cette sortie se fait sous surveillance régulière.

    Les traitements prescrits à la sortie sont souvent nombreux mais doivent être respectés scrupuleusement afin d’éviter des complications parfois graves.

  • LE SUIVI POST GREFFE PRECOCE

    Cette période dure environ 3 mois. Le patient vient une fois par semaine à l’hôpital afin d’être examiné, de vérifier l’absence d’infection, de réaction du greffon contre l’hôte ou d’autres problèmes, et de bien équilibrer les traitements.

    Pendant cette période, le risque de complications reste élevé et toute anomalie (fièvre, toux, diarrhée, etc) doit être immédiatement signalée. Des re-hospitalisations sont parfois nécessaires afin de traiter des infections.

    A l’issue de cette période, un bilan complet est réalisé afin d’évaluer le bon fonctionnement du greffon, l’immunité du patient et le bon fonctionnement des autres organes (cœur, poumon, etc).

    Cette période peut parfois durer plus longtemps si une surveillance est toujours nécessaire ou si des traitements doivent être administrés.

    Le patient est par la suite suivi en consultation

  • LE SUIVI POST GREFFE EN CONSULTATION

    Pendant la première année, la surveillance reste intensive notamment du fait de la poursuite des traitements immunosuppresseurs, du risque persistant d’infection et de GVH.

    La reprise d’une activité professionnelle ou d’études n’est en général possible qu’après 9 à 12 mois mais ce délai est très variable.

    Cette période de transition est parfois difficile pour le patient qui a vécu dans un cocon pendant au moins 1 an et doit réapprendre à vivre presque normalement.

    Comme tout au long de la période de greffe, un suivi psychologique peut s’avérer nécessaire.

    Le suivi après allogreffe est prolongé pratiquement pendant toute la vie. En effet, les chimiothérapies, les traitements immunosuppresseurs et la greffe elle-même nécessitent cette surveillance pour dépister des effets secondaires retardés.

    Une autre forme de réaction du greffon peut survenir pendant cette période et peut nécessiter la reprise ou le maintien de traitements immunosuppresseurs pendant une période plus longue.

En conclusion

L’allogreffe de moelle est pour certains patients le meilleur traitement de l’aplasie médullaire. Il s’agit cependant d’un traitement complexe et qui nécessite un suivi rapproché pendant la première année.

Le choix de réaliser une greffe ou un autre traitement dépend de plusieurs facteurs : la cause de l’aplasie, l’âge du patient, l’existence d’un donneur compatible et d’autres pathologies associées. Ce choix est réalisé au cas par cas pour chaque patient. Par exemple, chez les patients de moins de 40 ans ayant un donneur compatible dans la fratrie, la greffe est le traitement de référence car ayant les meilleurs résultats à moyen et long terme.

Parfois la greffe, qui n’était pas indiquée au diagnostic de la maladie, peut être proposée en cas d’échec d’un traitement antérieur, de rechute ou d’évolution de la maladie.